jeudi 5 septembre 2013

Pourquoi les banques

Une banque est un intermédiaire financier spécifique. Elle est un intermédiaire financier dans la mesure où sa fonction traditionnelle est d’octroyer des crédits et de collecter des dépôts. Elle prête à moyen-long terme et emprunte à court terme. Mais sa spécificité tient à son pouvoir de création monétaire. L’octroi de crédit par une banque ne se fait pas sur la base de ressources préexistantes. La banque ne se contente pas de transformer les caractéristiques d’une épargne préformée. Elle crée par le crédit un dépôt bancaire au bénéfice de l’emprunteur.
Au niveau macroéconomique, le pouvoir de création monétaire du système bancaire lève une contrainte majeure sur l’accumulation du capital le financement des projets nouveaux d’investissement n’est plus assujetti à l’épargne formée au cours de la période. Les banques ne se contentent pas de recycler des ressources qu’elles ont préalablement collectées. Elles prêtent des sommes qui viendront ensuite se déposer dans leurs comptes. Les banques font ainsi des paris sur des projets industriels, elles anticipent sur des profits à venir. Ces paris sont fondés sur une évaluation de la qualité spécifique des projets. Cette estimation est multidimensionnelle. Le risque de non-remboursement d’un crédit repose sur des paramètres non maîtrisables par l’emprunteur, comme l’état de la conjoncture présente et future, mais également sur les qualités intrinsèques du projet qui souvent ne sont pas quantifiables et sur la solvabilité présente et à venir de l’emprunteur lui-même. La collecte des informations sur l’ensemble de ces paramètres est coûteuse pour l’intermédiaire financier. Celui-ci dispose d’informations externes directement fournies par le demandeur de fonds qui dispose toujours d’un avantage informationnel sur sa propre situation par rapport au prêteur. L’émergence des institutions financières peut alors être présentée comme le fruit de leur capacité supérieure à celle du marché à réduire ces asymétries d’information. Parmi les intermédiaires financiers, les banques disposent d’un avantage additionnel du fait de la multiplicité des services financiers qu’elles rendent à leurs clients et qui est source de recoupement d'information. En particulier, leur fonction de tenue des comptes et de gestion des moyens de paiement représente un élément d’appréciation fondamental de la qualité spécifique de l’emprunteur. Les relations bilatérales que la banque entretient dans la durée avec ses clients lui assurent donc la production d’un savoir idiosyncratique [Guille, 19941. Le passé de la relation de crédit, les mouvements et soldes des différents comptes que la banque gère, les éventuels accidents de paiements constituent autant d’informations internes à la banque et non transmissibles au marché. La supériorité des banques par rapport au marché quant à la connaissance de la qualité des emprunteurs repose, d’une part, sur les données objectives que nous venons d’évoquer, informations que seules les banques détiennent, et, d’autre part,
sur une appréciation subjective inhérente aux relations de confiance qui ont pu se nouer au cours du temps entre la banque et son client. L’information acquise par les banques sur les débiteurs est donc privative alors que l’information que véhiculent les marchés financiers est collective au sens d’accessible à tous. À cet égard, la distinction entre actifs négociables et non négociables correspond au degré auquel l’information exigée pour vérifier et contrôler la valeur de l’investissement est publiquement offerte par l’emprunteur [Goodhart, 19881. Les actifs négociables sont ceux pour lesquels l’emprunteur offre la masse d’informations exigées par les investisseurs, tandis que, pour les actifs non négociables, le prêteur rassemble davantage d’informations. Les banques apparaissent donc comme des intermédiaires financiers spécialisés dans l’octroi de prêts à fort contenu informatif. L’imparfaite négociabilité de l’actif bancaire qui en résulte combinée à l’émission de dettes remboursables au pair, à vue ou à court terme (les dépôts), rend les banques particulièrement vulnérables aux chocs de liquidité [Diamond et Dybvig, 19831. Cette spécificité de bilan constitue, selon Goodhart, la différence fondamentale entre les banques et les autres intermédiaires financiers. Les caractéristiques du portefeuille d’actifs des intermédiaires financiers déterminent largement le type de dette qu’ils peuvent offrir dette à valeur nominale fixe dans le cas des banques, à valeur de marché dans le cas des fonds d’investissement collectif.

La reconnaissance par le marché de cette supériorité du savoir bancaire explique que l’obtention d’un prêt bancaire auprès d’une banque réputée constitue pour le marché un signal fort quant à la robustesse financière de l’entreprise. Cet effet de réputation peut se refléter dans l’accroissement du cours des titres des firmes qui annoncent la signature d’un contrat de prêt et même dans leur accès au marché boursier. La supériorité du savoir bancaire ne signifie pas pour autant l’élimination des asymétries d’information entre le débiteur et la banque. Tout d’abord, une asymétrie d’information irréductible persiste entre la banque et l’emprunteur sur la situation de celui-ci et sur la qualité du projet financé. Cette asymétrie d’information ex tinte ou < information cachée > est inhérente aux marchés où s’échangent des produits dont la qualité est mieux connue par le vendeur que par l’acheteur. Cette situation crée des problèmes d’antisélection. Le prix, dans notre cas le taux d’intérêt, n’est plus un révélateur de la qualité de la promesse de remboursement. La banque ne peut être certaine de ne pas prêter à de mauvais emprunteurs. Sur le marché du crédit, en raison de la nature même du < bien > échangé, à savoir des promesses de remboursement, l’asymétrie informationnelle ex an te, que subit chaque banque avec ses débiteurs, se double d’une incertitude qui touche les banques dans leur ensemble sur la qualité des crédits qu’elles octroient. En effet, les banques gèrent individuellement cette asymétrie d’information par un ensemble de méthodes comme l’imposition de collatéraux (garanties) ou par des processus de rationnement fondés sur la différenciation des emprunteurs et leur catégorisation. En d’autres ternies, les banques définissent des conditions hors prix d’obtention de crédit hypothèques et autres formes de garantie notamment sur le patrimoine de l’emprunteur, apport personnel, etc. Ces conditions hors prix constituent un moyen pour les banques de sélectionner leurs clients en imposant des conditions inégales d’accès au crédit en fonction du risque qu’elles estiment encourir. Or ces méthodes reflètent à un moment donné du temps un modèle de représentation et d’interprétation propre à la communauté bancaire dans son ensemble. Cette caractéristique explique l’importance du < climat des affaires > dans l’évolution du marché du crédit, avec des vagues collectives d’optimisme ou de pessimisme. La crise de l'immobilier ayant < plombé > les bilans de systèmes bancaires entiers dans les années quatre- vingt-dix est une bonne illustration du caractère en partie collectif des méthodes de représentation du risque de crédit. Les banques restent également soumises à des asymétries d’information ex post, ils se manifestent une fois le crédit accordé et concernent le comportement de l’emprunteur durant la durée du contrat de prêt. Celui-ci peut en effet être tenté, dans certaines circonstances, d’accroître son exposition au risque et ainsi d’augmenter l’exposition au risque de crédit de la banque. Quand l’asymétrie d’information se réfère ainsi à une action cachée, on parle d’aléa moral ou de hasard moral. Les techniques de contrôle et de surveillance (monitoring) appliquées par les banques visent à réduire ce type de comportement.
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