Une banque est un intermédiaire
financier spécifique. Elle est un intermédiaire financier dans la mesure où sa
fonction traditionnelle est d'octroyer des crédits et de collecter des dépôts.
Elle prête à moyen-long terme et emprunte à court terme. Mais sa spécificité
tient à son pouvoir de création monétaire. L'octroi de crédit par une banque ne
se fait pas sur la base de ressources préexistantes. La banque ne se contente
pas de transformer les caractéristiques d'une épargne. Elle crée par le crédit
bancaire un dépôt bancaire au bénéfice de l'emprunteur.
Au niveau macroéconomique, le
pouvoir de création monétaire du système bancaire lève une contrainte majeure
sur l'accumulation du capital: le financement des projets nouveaux
d'investissement n'est plus assujetti à l'épargne formée au cours de la
période. Les banques ne se contentent pas recycler des ressources qu'elles ont
préalablement collectées. Elles prêtent des sommes qui viendront ensuite se
déposer dans leurs comptes. Les banques font ainsi des paris sur des projets
industriels, elles anticipent sur des profits à venir. Ces paris sont fondés
sur une évaluation de la qualité spécifique des projets. Cette estimation est
multidimensionnelle. Le risque de non-remboursement d'un crédit bancaire repose
sur des paramètres non maîtrisables par l'emprunteur, comme l'état de la
conjoncture présente et future, mais
également sur les qualités intrinsèques du projet qui souvent ne sont pas
quantifiables et sur la solvabilité présente et à venir de l'emprunteur
lui-même. La collecte des informations sur l'ensemble de ces paramètres est
coûteuse pour l'intermédiaire financier. Celui-ci dispose d'informations
externes directement fournies par le demandeur de fonds qui dispose toujours
d'un avantage informationnel sur sa propre situation par rapport au prêteur.
L'émergence des institutions financières peut alors être présentée comme le
fruit de leur capacité supérieure à celle du marché à réduire ces asymétries
d'information. Parmi les intermédiaires financiers, les banques disposent d'un
avantage adirent à leurs clients et qui est source de recoupement
d'information. En particulier, leur fonction de tenue des comptes et de gestion
des moyens de paiement représente un élément d'appréciation fondamental de la
qualité spécifique de l'emprunteur. Les relations bilatérales que la banque
entretient dans la durée avec ses clients lui assurent donc la production d'un
savoir idiosyncratique [Guille, 1994]. Le passé de la relation de crédit
bancaire, les mouvements et soldes des différents comptes que la banque gére,
les éventuels accidents de paiements constituent autant d'informations internes
à la banques par rapport au marché quant à la connaissance de la qualité des
emprunteurs repose, d'une part, sur les données objectives que nous venons
d'évoquer, informations que seules les banques détiennent, et, d'autre part,
sur une appréciation subjective aux relations de confiance qui ont pu se nouer
au cours du temps entre la banque et son client. L'information acquise par les
banques sur les débiteurs est donc privative alors que l'information que
véhiculent les marchés financiers est collective au sens d'accessible à tous. à
cet égard, la distinction entre actifs négociables et non négociables
correspond au degré auquel l'information exigée pour vérifier et contrôler la
valeur de l'investissement est publiquement offerte par l'emprunteur
[Goodhart,1988]. Les actifs négociables sont ceux pour lesquels l'emprunteur offre
la masse d'informations exigées par les investisseurs, tandis que, pour les
actifs non négociables, le prêteur rassemble davantage d'informations. Les
banques apparaissent donc comme des intermédiaires financiers spécialisés dans
l'octroi de prêts à fort contenu informatif. L'imparfaite négociabilité de
l'actif bancaire qui en résulte combinée à l'émission de dettes remboursables
au pair, à vue ou à court terme (les dépôts), rend les banques particulièrement
vulnérables aux chocs de liquidité [Diamond et Dybvig,1983]. Cette spécificité
de bilan constitue, selon Goodhart, la différence fondamentale entre les
banques et les autres intermédiaires financiers déterminent largement le type
de dette qu'ils peuvent offrir: dette à valeur nominale fixe dans le cas des
banques, à valeur de marché dans le cas des fonds d'investissement collectif.
La reconnaissance par le marché de
cette supériorité du savoir bancaire explique que l'obtention d'un prêt
bancaire auprès d'une banque réputée constitue pour le marché un signal fort
quant à la robustesse financière de l'entreprise. Cet effet de réputation peut
se refléter dans l'accroissement du cours des titres des firmes qui annoncent
la signature d'un contrat de prêt et même dans leur accés au marché boursier.
La supériorité du savoir bancaire ne signifie pas pour autant l'élimination des
asymétries d'information entre le débiteur et la banque. Tout d'abord, un
asymétrie d'information irréductible persiste entre la banque et l'emprunteur
sur la situation de celui-ci et sur la qualité du projet financé. Cette
asymétrie d'information ex ante ou "information cachée" est inhérente
aux marchés où s'échangent des produits dont la qualité est mieux connue par
vendeur que par l'acheteur.